L'apprenti devient "Mecru"
Je suis né en 1914. A treize ans, je quitte l'école et entre en apprentissage d'ajusteur.
Ayant accompli mon service militaire au 2ème Génie en 1935/36, je suis admis à la Compagnie de l'Est comme ouvrier ajusteur au dépôt de Longueville en janvier 1937. Aussitôt commissionné, j'accède au service des machines et effectue une stage de chauffeur (manoeuvres de gares et "route") au dépôt de Troyes. Puis, suite à des réductions d'activités du dépôt de Longueville, je suis muté au dépôt de Reims fin 1938.
"Rappelé" à la déclaration de guerre en septembre 1939... Puis c'est la "drôle de guerre" et la campagne du printemps 1940. Je suis démobilisé en juillet et immédiatement réadmis au dépôt de Reims.
Alternant avec des "descentes à l'atelier" pendant toute la guerre, j'assure les fonctions de chauffeur; un temps affecté aux "doubles équipes", où, depuis Somain, Lens et d'autres centres miniers, nous acheminions des trains de houille vers Le Bourget.
A la Libération, nous sommes requis pour la remorque des trains de l'armée américaine. Entre temps, j'ai réussi l'examen de "chauffeur de route". nommé à ce grade le 1er juin 1945, je suis classé avec la 231 B 29, mécanicien Maurice Collet. Dans la foulée, je vais à l 'école de conduite et passe avec succès l'examen d'élève mécanicien. me voilà classé chauffeur avec le mécanicien René Leboeuf et sa 231 B 27.
La grande route...Express 204 Reims-Paris + 205 Paris-Charleville...Repos à Mohon; Express LD, RD Reims-Dijon, 315 kilomètres, repos à Dijon-Perrigny; Express DL, DR Dijon-Reims...
Au dépôt de Perrigny, il n'y avait pas de manoeuvres spécialisés comme dans les dépôts Est. Nous devions nous-mêmes remiser la machine, basculer les crasses, nettoyer le cendrie.
Elève-mécanicien, utilisé comme chauffeur, je n'en assure pas moins les fonctions de mécaniciens de route. Je remplace ainsi des mécaniciens classés en roulement. Et quelle fierté quand je deviens "patron en roulement", avec la 230 K 198, puis la 230 K 168.
Nommé "MECRU" en 1950, je suis titulaire de la 231 B 19, une bonne "gazeuse" qui sort du levage avec Jean Aubry comme chaufeur.
Cinq ans ensemble tous les trois...Une équipe soudée ! Jean, un petit gabarit, comme moi. Notre belle ne sort jamais du dépôt sans avoir reçu un coup de chiffon et les cercle de chaudière astiqués.
Indépendamment de nos tournées classiques, nous assurions en service régulier une relation vers Bâle depuis Boulogne ou Calais-Maritime, trains BC et CB notamment, des journées très pénibles. Aller-retour Chaumont "même période". Prise de service 21h30; nous relevions avec nos 231 B les super-Pacific 231 C et les 231 E Chapelon de Boulogne et Calais. Après une petite coupure au foyer du dépôt de Chaumont, nous étions de retour à Reims à 6h30, pour une fin de service à 7h15.On "remettait ça" le soir même pour 6 ou 7 heures de suite...